L’innovation dans le secteur des tablettes, un conflit d’intérêt ?

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Quel est le positionnement de la tablette ?
Quel est le positionnement de la tablette ?

À peine un an que l’iPad, première tablette tactile grand public du marché vient de sortir, et on a depuis ces dernières semaines assisté à un déluge de nouveaux modèles, tout le monde voulant prendre pied sur ce marché en plein essor. Mais on remarque surtout que les principaux constructeurs de tablettes n’ont pas forcément intérêt à voir ce segment s’élargir, quitte à freiner l’innovation pour maintenir les tablettes à leur juste place, entre le smartphone et l’ordinateur portable.

La tablette, dès son lancement par Apple a été immédiatement positionnée sur un segment intermédiaire, présent entre la gamme des MacBook et l’iPhone selon les propres dire de Steve Jobs. Apple a donc crée un besoin et un marché nouveaux pour permettre de faire plus facilement ce que les gens avaient l’habitude de faire sur leur smartphone, et cela sans avoir besoin de prendre leur ordinateur portable, plus lourd, plus long à démarrer, moins ergonomique.

Et la tablette est restée sur ce segment depuis, concurrençant les netbooks et venant en complément de l’ordinateur portable et du smartphone que beaucoup possédaient déjà. Ce positionnement a ainsi été la source de nombreuses critiques de la part de personnes ne voyant pas l’intérêt d’acheter une tablette alors que celle-ci ne les soulageait pas de la charge d’un ordinateur portable.

Mais la tablette a-t-elle réellement vocation à remplacer l’ordinateur portable ? Beaucoup le souhaiteraient mais les constructeurs de tablettes ne semblent pas l’entendre de cette oreille.

HP, Samsung, Apple, Dell, Acer et Asus ne sont pas de simples constructeurs de tablettes, ils sont aussi présents, et depuis longtemps sur le marché des ordinateurs portables. Et tout le monde suit avec entrain la direction clairement donnée par Apple à son lancement, à savoir que la tablette ne remplace rien, il faut l’acheter en plus. En plus de son ordinateur portable, en plus de son smartphone. En effet, toutes ces sociétés n’ont aucun intérêt à développer trop la tablette, qui risquerait de concurrencer leurs autres produits. Non, il faut que les gens achètent et changent régulièrement non pas 2 mais maintenant 3 appareils électroniques nomades.

Et cette mentalité explique le relatif manque d’innovation de ces grands acteurs de la technologie mondiale dans le domaine des tablettes. L’iPad n’a quasiment pas de connectique, et pour les modèles de tablettes des autres constructeurs cités c’est plus ou moins la même chose. Les ports USB Host pourtant essentiels dans un ordinateur ont du mal à s’imposer dans les tablettes et sont absents des modèles haut de gamme sous Android qui sont sortis dernièrement. Asus sort tout de même du lot en proposant des tablettes avec USB et clavier, une attitude appréciable en comparaison des concurrents qui cherchent à ménager leurs sources de revenus.

Non, l’innovation ne semble pas devoir venir des constructeurs historiques qui vendent déjà des ordinateurs portables, mais des nouvelles sociétés qui misent largement plus sur ce secteur.

Ainsi on pourrait citer Archos, une société française qui produit à des prix très bas des tablettes de bonne facture. Malgré son positionnement low-cost et sa faible expérience, Archos arrive a proposer dans ses tablettes une béquille intégrée, l’USB Host, une grande capacité de stockage et la compatibilité avec une pléthore de format vidéos.

Notion Ink, la société indienne qui a récemment sorti la tablette Adam, a été la première à lancer une tablette avec un écran Pixel QI en plus du LCD. La Notion Ink possède également une large connectique avec plusieurs ports USB dont un port USB Host.

Motorola a marqué la percée des tablettes haut de gamme avec processeur double-coeur sous Android 3.0. De plus la firme a lancé au CES un dock spécial pour son smartphone, le Motorola Atrix, qui permet de transformer facilement son smartphone en ordinateur portable.

LG, tout en suivant les traces de Motorola est le premier à orienter sa tablette vers la 3D avec une prise de vue en 3D et la possibilité de voir en 3D. Bon, c’est de la 3D anaglyphe, soit, mais l’initiative est intéressante.

Ces nouveaux constructeurs, qui ont peu d’expérience dans l’informatique pour certaines représentent donc le souffle d’air dont les tablettes ont besoin. Il suffit d’espérer que leur dynamisme et leur envie d’innovation réussira à pousser les grandes firmes là où elles ne veulent pas aller, sur le terrain des tablettes dont les fonctionnalités permettraient de remplacer complètement l’usage de l’ordinateur portable. L’iPad 2 nous dira si Apple s’engagera dans cette voie ou continuera à limiter les fonctionnalités de sa tablette pour ne pas concurrencer ses propres produits et nous pousser toujours plus loin vers une plus forte consommation.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Quel regard portez vous sur l’innovation dans le secteur des tablettes tactiles ?

le 8 3387
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8 commentaires
  1. Oups, il est vrai que je suis allé un peu top vite en affirmant qu’Android était fermé, bien vu :).
    Je crois avoir trouvé la tablette idéale pour le type d’usage que je recherche : le Fujitsu Stylistic Q550.
    Vivement le test sur Tablette Tactile !

  2. Débat très intéressant. Je ne pense pas que l’on puisse véritablement parler de conflit d’intérêt. Je dirais plutôt qu’aujourd’hui, les positions des acteurs économiques, des fabricants de processeurs aux opérateurs, consistent à essayer de greffer le marché prometteur mais incertain des tablettes sur leurs échosystèmes existants. C’est somme toute assez logique. Cela explique en grande partie les écarts que l’on constate aujourd’hui entre des produits low cost calés sur un modèle d’assembleur proche du PC et les echosystèmes fermés issus de la téléphonie mobile. Ce qui devrait segmenter le marché et « driver » l’innovation, ce sont les usages. Les commentaires précédents le montrent parfaitement. Il y aura de la place pour des tablettes « Cloud » en entreprise (RIM) des tablettes familliales connectées au réseau domestique (Samsung) et des produits polyvalents (Apple).

  3. @Fred ADR : tu parles tout de même de problèmes un peu spécifiques. En l’occurence, tout le monde ne lit pas de vidéo en streaming depuis un Home Server en DLNA sur sa tablette. La plupart des acheteurs utilisent la tablette pour surfer sur Internet et consommer de l’information (source : étude externe, interviews et étude interne sur nos lecteurs).

    Deuxième rectification (je chipotte, mais après je vais dans ton sens !), Android est un OS vraiment ouvert. Windows est ouvert dans les faits, mais difficilement dans la philosophie.

    Mais sur le fond ton analyse, comme celle de @JF Ruiz sont justes. Et il est nécessaire que l’offre matérielle comme l’offre logicielle soit adaptée, performante et innovante.

    J’ajouterai l’aspect prix. Aujourd’hui, les prix sont clairement un grand n’importe quoi. Et si les constructeurs veulent continuer à vendre laptops, netbooks et smartphones, les opérateurs aimeraient se sucrer sur le dos du consommateur en faisant baisser artificiellement le prix d’un terminal pour y adjoindre un forfait data pseudo illimité et hors de prix, ce qui est un vrai frein pour l’adoption de masse surtout pour les plus jeunes ou les bourses les plus légères (en plus d’être une abération stratégique et commerciale).

    Bref, j’espère que des constructeurs (Archos ?) et opérateurs (Free ?) oseront innover pour offrir un positionnement différent, et permettre une réelle évolution de l’offre, tirer le marché vers les haut, et permettre au consommateur d’avoir des terminaux toujours plus performants.

  4. Mais pourquoi les constructeurs insistent à nous proposer des tablettes propulsées par des OS issus du monde des Smartphones ?

    Les problèmes soulevés dans l’article de Ronan et par JF Ruiz sont édifiants et tellement vrais : le fait que les tablettes soient adoptées dans le monde de l’entreprise depuis plus de 20 ans réside uniquement dans le fait que celles-ci sont propulsées par de vrais systèmes d’exploitations (Windows, Linux), et donc plutôt ouverts.

    Certes, la puissance de ces produits ne permet pas pour l’instant d’utiliser ces OS sans que ça rame, mais tout de même, quel bonheur de pouvoir installer ses applications favorites sur sa tablette.

    Il y a de fortes chances que les fabricants changeront d’avis lorsque le marché se stabilisera, exemple : qui se souvient encore que les premiers Netbooks étaient propulsés par un OS Linux ? Le marché a vraiment décollé lorsque Windows est arrivé…

    Pour les tablettes ce sera la même chose, chaque fabricant profite de la pauvreté de l’offre pour imposer son système et ses limitations, lorsque les vrais OS compatibles arriveront, ils changeront d’avis ! N’oublions pas que Microsoft a annoncé récemment que Windows 8 sera compatible avec les puces ARM, ce qui signera à coup sûr la fin d’iOs et Android sur les tablettes.

    Perso, le fait de ne pas pouvoir lire mes vidéos en streaming depuis mon home serveur via le protocole DLNA est un véritable frein pour moi (les TV connectées ont le même problème). Depuis un portable sous W7 et un HTPC sous XBMC (Ubuntu) ça fonctionne nickel. C’est cela que j’attends de la part des tablettes.

  5. L’exemple le plus significatif de cette stratégie du « device + » se découvre non pas chez les fabricants de Pc mais plutôt chez un fournisseur de téléphonie mobile: RIM(Blackberry).
    En effet, la caractéristique remarquable de la Playbook(outre ses aptitudes grand public plus ou moins prononcées selon les versions) consiste dans son association avec les smartphones de la marque. Toute donnée modifiée sur l’écran de l’un est immédiatement répercutée celui de l’autre. Et inversement. Hors de portée bluetooth du smartphone de « base », la tablette devient aussi aveugle que sourde en ce qui concerne les données reçues via le smartphone, notamment les mails.
    En transformant sa tablette en écran déporté de ses smartphones, en la privant de client de messagerie propre, la marque affiche très clairement son intention de privilégier sa clientèle captive.
    Avantage principal de ce dispositif « propriétaire », avancé par le constructeur, la sécurité: que l’on vous vole votre tablette ou que vous l’oubliez quelque part, aucune donnée ne sera mise en péril.
    L’argument est à considérer si l’on envisage un développement de l’utilisation des tablettes en entreprise.
    Et c’est probablement en entreprise que la limitation technique de ces tablettes (question soulevée par l’article ci-dessous) s’avèrera pertinente.
    Pour au moins 3 raisons:
    – ces tablettes seront les terminaux dédiés – mais agiles- d’applications spécifiques et verrouillées.
    – La variété des caractéristiques techniques présentées aujourd’hui laisse supposer une gamme large d’ajustements possible entre technologies et besoins spécifiques.
    – le prix de ces tablettes transformé en coût par le contrôle financier de l’entreprise sera forcément assujetti à un retour sur investissement (ROI) par la direction générale de cette même entreprise. D’où optimisation maximum à prévoir de ce critère par le service achat de la dite entreprise…
    Un dernier argument peut relativiser la limitation technique -très relative également- de ces objets: le cloudcomputing.
    En la matière, si l’on se moque de puissance embarquée, on appréciera beaucoup, en revanche, l’ergonomie (affichage et mobilité) proposée par les tablettes.
    Lesquelles tablettes, ne l’oublions pas, et sous des formes souvent rustiques, rendent depuis au moins deux décennies des services appréciables à nombre d’entreprises…
    Je conclue ce long commentaire par la constatation suivante:
    Avec l’avènement des tablettes, les acteurs de la téléphonie sont en passe de réussir une incursion remarquable dans la chasse gardée des constructeurs de PC: les applications de productivité personnelle des utilisateurs.
    D’où cette foire d’empoigne en gestation, qui verra la confrontation d’un nombre et d’une variété incroyables d’acteurs (Cisco s’en mêle aussi…). Preuve de la grande vitalité attendue de ce marché.

  6. Effectivement il y a sans doute peu à attendre de l’ipad2. leur eco-système est bien protégé et ennuyeux.
    Difficile d’en faire autre chose qu’un gadget pour riches.
    C’est un écran à vidéos louées, pas une boite à musique, une console de jeux achetés. Et puis pas de multi-utilisateur… un compte pas machine. Donc pas une machine familliale.. (pas question de gérer ses mails pro dessus en même temps que la boite mail des enfants… pas de vie privée dessus)

  7. Très bonne analyse Ronan! Je suis complètement d’accord avec toi, et nous suivrons avavec attention les annonces des jours et semaines à venir.

    Il est en effet important que l’utilisateur soit le vrai gagnant des innovations, et pas les marges des constructeurs sur plusieurs marchés.

    Apple est malheureusement connu pour limiter l’innovation pour maximiser les ventes sur plusieurs générations de produits…

    Wait & see :-)

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