Pourquoi la série « Boots » sur Netflix divise entre chef-d’œuvre et « déchet woke » ?

Depuis sa sortie le 9 octobre, « Boots » s’est hissée parmi les séries les plus regardées de Netflix. Encensée par une partie du public et de la critique, elle s’est pourtant attiré les foudres du camp conservateur américain, en particulier du Pentagone, qui la qualifie sans détour de « déchet woke ». Entre éloge de la diversité et accusations d’idéologie, le débat fait rage autour de ce drame militaire inattendu.

Une série qui bouscule les codes sans renier l’uniforme

Boots raconte l’histoire de Cameron, un jeune homme homosexuel, et de Ray, son meilleur ami hétéro, engagés dans un camp d’entraînement des Marines au début des années 1990. Loin de peindre une armée caricaturale, la série explore surtout les notions de camaraderie, de loyauté et d’identité.

Le ton, souvent comparé à celui de Full Metal Jacket, s’adoucit rapidement pour mettre en avant la solidarité entre soldats. On est loin d’une série antimilitariste : Boots ne dénigre pas l’armée, elle la questionne. Elle rappelle qu’à l’époque, être homosexuel était encore un motif d’exclusion des forces armées américaines — une réalité que le Pentagone semble aujourd’hui préférer oublier.

Ce point de départ s’inspire du livre autobiographique The Pink Marine de Greg Cope White, un ancien militaire ayant servi six ans tout en cachant son orientation sexuelle dans un environnement hostile.

Quand la fiction dérange le pouvoir

La réaction du ministère de la Défense américain, récemment rebaptisé « ministère de la Guerre » par Donald Trump, a été immédiate. Kingsley Wilson, porte-parole du Pentagone, a fustigé la série dans un communiqué :

« Nous ne ferons aucun compromis avec cet agenda idéologique. »

Une déclaration qui illustre la tension grandissante entre culture populaire et politique identitaire. Sous la présidence Trump, l’armée s’est donnée pour mission de « restaurer l’éthique guerrière » et de bannir les initiatives liées à la diversité et à l’inclusion.

Pourtant, Boots ne prône pas la division. Elle montre au contraire comment des soldats aux origines, genres ou corpulences différents trouvent leur place dans une même mission. La série fait passer un message simple : être soi-même n’est pas incompatible avec l’esprit d’équipe.

Le poids de l’histoire : quand l’armée fermait ses portes aux LGBT

Entre 1994 et 2011, la politique du « Don’t Ask, Don’t Tell » (« Ne demandez pas, n’en parlez pas ») imposait aux militaires LGBT de cacher leur orientation sexuelle sous peine d’exclusion. Plus de 13 000 personnes ont ainsi été forcées de quitter l’armée, selon les chiffres officiels du Pentagone.

Cette loi, abrogée sous la présidence Obama, a marqué toute une génération de soldats contraints au silence. En 2024, le président Joe Biden a même lancé un programme pour réhabiliter ces anciens militaires et leur redonner les droits de vétérans dont ils avaient été privés.

C’est précisément cette mémoire que Boots ravive, en rendant hommage à ceux qui ont servi leur pays malgré le rejet. Et c’est peut-être ce souvenir, encore sensible dans une Amérique divisée, qui agace tant les autorités actuelles.

La guerre culturelle selon Trump

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a multiplié les offensives contre les politiques d’inclusion. D’après France Culture, plus de 26 000 photos historiques représentant des femmes, des Afro-Américains ou des personnes LGBT dans l’armée ont récemment disparu des archives du Pentagone. Parallèlement, des milliers de militaires transgenres auraient été exclus des rangs, selon les estimations de la RAND Corporation.

Cette volonté de réécrire l’histoire s’oppose frontalement à la philosophie de Boots, qui met en avant une armée plurielle et humaine, où les différences deviennent des forces.

Une fiction engagée, pas militante

Malgré les critiques, Boots séduit par sa sincérité et son équilibre. On y trouve des personnages complexes : des femmes, des personnes racisées, des recrues en surpoids, mais surtout des êtres en quête de reconnaissance. La série ne prêche pas, elle raconte. Et si elle dérange, c’est peut-être parce qu’elle ose rappeler qu’au-delà des uniformes, ce sont des hommes et des femmes — avec leurs fragilités — qui composent une armée.

Alors, chef-d’œuvre ou œuvre « woke » ? Peut-être ni l’un ni l’autre. Boots n’a pas pour ambition de faire la révolution culturelle, mais simplement de montrer qu’un soldat, avant d’être un symbole, est un être humain. Et ça, visiblement, c’est déjà trop pour certains.

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