Dans de nombreuses cultures, les jumeaux sont entourés d’un mystère fascinant. Ils sont tantôt perçus comme des symboles de vitalité et d’abondance, tantôt comme des rappels philosophiques de la dualité de la vie : bien et mal, vie et mort. Mais derrière ces récits culturels se cache une vérité biologique inattendue : les jumeaux étaient autrefois la norme dans l’évolution des primates.
Des recherches récentes sur l’évolution de la reproduction des primates montrent que nos ancêtres, il y a environ 60 millions d’années, donnaient souvent naissance à des jumeaux. Cette pratique a progressivement été remplacée par la naissance d’un seul bébé à la fois, un changement qui semble avoir apporté des avantages évolutifs significatifs.
Une enquête sur les portées des mammifères
Pour comprendre l’évolution du nombre de bébés par portée chez les primates, les chercheurs se sont tournés vers une méthode originale : combiner des données fossiles et des observations modernes. En analysant les bases de données comme AnAge, qui recense la durée de vie et les caractéristiques reproductives des mammifères, ils ont étudié près de 1 000 espèces différentes.
Ces données comprenaient des informations sur la durée de gestation, la taille corporelle à la naissance et à l’âge adulte, et le nombre moyen de petits par portée. En croisant ces informations, les chercheurs ont pu retracer l’histoire des portées chez les mammifères et estimer les probabilités de naissance unique ou multiple à différents moments de l’évolution.
Les jumeaux : un héritage ancestral
Chez la plupart des primates modernes, un seul bébé naît à la fois. Toutefois, certaines espèces, comme les lémuriens ou les tamarins, continuent de donner naissance à des jumeaux. Pendant longtemps, les biologistes pensaient que ces espèces représentaient une exception à la règle. Mais les nouvelles recherches inversent cette hypothèse : ce sont les primates à naissance unique qui sont en fait les plus « dérivés » évolutivement, tandis que nos ancêtres communs à tous donnaient naissance à deux petits.
Le basculement des jumeaux vers les naissances uniques semble avoir commencé il y a environ 50 millions d’années. Ce changement aurait permis aux primates de donner naissance à des bébés plus grands et mieux développés, favorisant ainsi leur survie et leur apprentissage dans des environnements complexes.
Pourquoi un seul bébé a-t-il fait la différence ?
La transition vers les naissances uniques coïncide avec une augmentation significative de la taille du cerveau chez les primates, notamment chez les humains. Un bébé à la fois permet à la mère de concentrer ses ressources énergétiques sur un petit, augmentant ses chances de survie. De plus, les nouveau-nés avec des cerveaux plus volumineux disposent d’une période d’apprentissage prolongée, cruciale pour acquérir des compétences complexes comme la fabrication d’outils ou la communication.
Ce changement évolutif ne s’est pas produit en une seule fois. Les données montrent que plusieurs lignées de primates ont fait ce passage de manière indépendante, suggérant que cette stratégie était particulièrement avantageuse pour certaines espèces.
Les jumeaux aujourd’hui : une rareté qui intrigue
De nos jours, les jumeaux représentent environ 3 % des naissances aux États-Unis, un chiffre qui a doublé au cours des 50 dernières années grâce aux technologies de reproduction assistée. Cependant, les grossesses gémellaires comportent des risques : près de la moitié des jumeaux naissent prématurés et requièrent des soins intensifs.
Malgré ces difficultés, les jumeaux restent un élément fascinant de notre histoire génétique. Ils rappellent un passé où nos ancêtres primates oscillaient entre survie et adaptation, forgeant peu à peu le modèle unique de la reproduction humaine moderne.
Une évolution toujours en cours
Bien que notre époque diffère radicalement de celle des primates ancestraux, ces études offrent un éclairage précieux sur les stratégies de survie qui ont permis à notre espèce de prospérer. En découvrant comment nos ancêtres ont fait face aux défis de la reproduction, nous comprenons mieux les subtilités de notre évolution et les choix qui ont façonné notre existence actuelle.