Tablette tactile et enseignement : la créativité avec une tablette

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Après un arrêt prolongé de ma part, pour faire le point sur mes usages, présenter mes travaux, recueillir les premiers témoignages, je promène mes doigts à nouveau  sur mon clavier pour vous proposer un nouveau volet de notre série.

Pour ma part, à présent,  le choix d’une tablette s’est imposé. L’équipement s’installe désormais au quotidien dans mes pratiques, dans mes locaux.

Avec un usage de plus en plus inscrit dans le quotidien, je me rends compte que je deviens plus créatif (moi qui ne suis pas très « artistique »). 

Quelle est la place de la créativité dans mes pratiques ? Comment cette dernière se met en place naturellement avec l’usage des tablettes ?

 

A l’ère de la culture numérique, où la technologie sommeille jusque dans mon grille-pain, ou est la place de la créativité dans ce monde technologique ?

Après plus de 10 ans à traîner ma blouse dans les couloirs, je me rends compte que les élèves ne sont pas très créatifs. Ils sont parfois très inventifs, intuitifs mais la création reste très traditionnelle. L’éternel diaporama aux écritures multicolores demeure une production de choix. Ce constat se généralise pour moi chez mes élèves de collèges, lors des TPE que j’observe de loin,  dans les rangs de mes étudiants en Master.

La faute à qui ou à quoi ?

La faute à qui, à moi ! La place de la faute hante toujours les esprits. Mes élèves n’osent pas toujours de peur de … la faute. Éternel problème : « j’ai noté mon idée au crayon de bois dans mon cahier, c’est peut-être faux ! » (Paul, 3ème). L’erreur d’apprentissage est toujours considérée comme une faute.

La faute à quoi, à mon cahier ! Rédiger un texte qui va s’avérer faux ou qui va être retravaillé gêne mes élèves. Ils souhaitent un cahier de leçons à apprendre, pas un cahier d’apprentissage… où la place de l’erreur est primordiale pour construire une nouvelle connaissance.

Avec la culture du numérique, les esprits changent un peu. On peut effacer et reprendre son idée autant de fois que l’on souhaite, la production finale est propre, ou paraît propre mais on perd le chemin parcouru pour arriver à cette production tant désirée.

Avec l’usage de la tablette, je constate des mentalités qui évoluent.

Les « iApprentis » produisent des choses multi-facettes :

  • La tablette enregistre tout le temps sans jamais le demander, cela les rassure grandement et libère les esprits
  • Les applications sont multiples et se combinent

Cette double caractéristique permet d’obtenir des productions originales qui laissent place à une créativité très pertinente. J’avais déjà constaté que l’élève se centrait plus la tâche à produire (voir article précèdent : la tâche complexe), mais la combinaison des applications simples met en place des pertinences de productions très différentes.

La tablette permet à l’élève de « l’innovation créative ». N’est-ce pas là un objectif du socle commun ? Des nouvelles épreuves des ECE au Lycée dans l’esprit du bac version 2013 ?

Une série d’applications non-dédiées à une matière en particulier, met bien en avant cette capacité chez les élèves.

Créativité sur la base de l’image capturée

  • L’appareil photo embarqué : Avec l’arrivée de l’iPad HD, la qualité des photos a fait un grand bond en avant. Les photos sont de qualité en haute résolution ce qui permet de faire quelques agrandissements.L’application « Photo » nativement présente permet déjà à l’élève de recadrer sa prise de vue, d’améliorer le rendu à l’écran et corriger l’effet « yeux rouges ».
  • Oh, une belle annotation :)
    Oh, une belle annotation :)

    les applications qui enrichissent les photos :

    • Skitch : une application gratuite qui permet d’annoter les photos très simplement (à noter qu’elle permet également d’annoter des captures d’écran, des cartes, des pages web) ou créer une page blanche pour faire de votre ipad une simple ardoise {exemple 2}
    • iPhoto : l’application de chez Apple directement. Elle permet d’améliorer et faire des effets sur les photos (le rendu est très sympa !) mais pédagogiquement le journal permet d’avoir un support de discussion très rapidement. (idéal pour retracer un cheminement d’idée…)
    • Les applications destinées à retravailler les photos sont très nombreuses. L’offre est très importante sur ce domaine…
  • La prise de photo (ou de film) en classe m’a permis de constater que les élèves sont plus attentifs aux structures observées.
    Traditionnellement, ils dessinaient les structures mais après quelques minutes d’effort sur cette dernière, la production devenait une production sur la base de l’imaginaire… (ou d’une représentation initiale que je n’ai pas réussi à mettre en défaut). L’habileté à dessiner reste intéressante à travailler, il ne faut pas la refuser mais consomme plus de temps. L’enseignant se dote ainsi d’un nouvel outil qui lui permet de faire des choix pédagogiques.

Créativité sur la base de l’images ou de films 

On ne peut pas évoquer la créativité via Ipad sans nommer Imovie. Enfin une application aux dimensions éducatives qui permet en quelques minutes de monter un film. Ainsi, pour ma part, une dissection de fleur se terminait avant par les pièces florales séchées et collées dans un cahier avec les annotations à côté. A présent, ce procédé précédent est toujours réalisé mais en plus les élèves peuvent filmer et monter leur dissection. Cette habileté prend une place dans la relecture de leur cours. On retrouve le cheminement des actions et des compétences qui ont amené au résultat collé dans le cahier. On a une trace de type « Main à la pâte » qui prend place dans les cahiers.

  • iMovie : application pour réaliser du montage vidéo (à partir de photo et/ou de vidéo).
    ‎iMovie
    ‎iMovie
    Développeur: Apple
    Prix: Gratuit
    • En une heure de temps, mes élèves ont fait leur dissection, réalisé leurs prises de vue, monté le film (et l’ont hébergé sur YouTube dans l’heure !) (Merci Paloma pour cette dextérité !)

    • Remarque : une mention particulière dans iMovie pour la possibilité de créer des Bandes-Annonces (avec des story board) qui produisent un rendu très propre en très peu de temps.
featuring Sébastien Verbert
featuring Sébastien Verbert !

Créativité sur la base de production d’écrit

La tablette est moins puissante qu’un ordinateur et donc propose des outils de bureautique moins poussés. C’est peut être aussi une chance pour nos chères petites têtes blondes. L’outil ne consomme plus de temps pour une mise en forme qui n’apporte rien en terme de contenu. La présentation épurée incite à se centrer sur le fond plus que sur la forme. Belle aubaine !

Cependant, la part de créativité s’en trouve augmentée. La créativité n’est plus dans l’artifice de présentation avec une multitude de couleurs plus criardes les unes que les autres mais dans la mise en page argumentée des idées.

Les applications dédiées aux tablettes ont bien compris cet atout et joutent d’efficacité sur ce domaine.

Pour ma part, je préfère l’application Pages aux applications comme QuickOffice qui tentent de trop imiter la suite office « classique ». Ainsi les documents produits sont très propres, plus simples à mettre en page (par un simple  « toucher-déplacer »). Ce constat se retrouve sur la suite dédiée à Apple (Pages pour les documents de type texte, Keynote pour les diaporamas ou encore Numbers pour le tableur).

De plus, élèves et enseignants constateront que la compatibilité des fichiers est possible sans soucis entre cette suite bureautique allégée et la suite « traditionnelle » quelque soit le système d’exploitation d’origine. Les rapports de TP rédigés via Pages (voir illustration) sont bien plus compliqués à réaliser sur le traitement de texte traditionnel.

 

Un rapport de TP monté sur Pages pour iPad
Un rapport de TP monté sur Pages pour iPad
  • les traitements d’information multimédia : Notability, Evernote…

Ces « traitements d’information multimédia » sont des applications bonnes à tout faire tant que cela reste simple. (C’est à dire quasiment tout le temps jusqu’à la fin du secondaire !). Là encore, la part de la créativité est largement sollicitée car la mise en page y est très libre. On constate alors des propositions très intéressantes que l’on n’observait pas avant dues à une interface technique trop complexe pour le niveau d’enseignement.
Encore une fois, la construction de la production est observable par une indexation des fichiers datés. Ainsi, il est intéressant de voir l’évolution ou la construction de l’idée à travers le filtre du temps.

Créativité sur la base de support originaux

Les codes de présentation étant absents sur ces appareils, pourquoi ne pas adopter un n’autre type de support pour faire travailler nos élèves ensemble ou individuellement. Je ne vais  présenter ici que 3 exemples (vous avez sûrement des copies à corriger, un livre à finir ou de la vaisselle à faire…)

Faire exprimer une idée par la Bande dessinée. Actuellement, chez les éditeurs, c’est la bande-dessinée qui se vend le mieux dans la tranche d’âge de mes élèves. Alors pourquoi ne pas en profiter ? Pour cela 2 applications sont très simples à utiliser.

Ces applications me permettent de faire expliquer une idée aux élèves par le biais d’un avatar choisi ou faire dialoguer 2 élèves pour coucher sur le papier de façon différente une explication, une démonstration. L’outil permet ainsi de contextualiser une idée en incitant les élèves à s’exprimer. Le dialogue écrit est ainsi lancé (en français, pour ma part ; dans une langue étrangère pour les enseignants en langue) (voir exemple du début d’article)

  • Prezi : cette petite application permet de créer des diaporamas mais sous une autre forme, bien plus animée. L’interface est simple, les textes sont souvent courts ainsi le « diaporama » n’est plus lu. La place de l’oral devient obligatoire. L’originalité du support attire l’œil et donc indirectement l’attention du public en face. (cela est sûrement tronqué par le fait que le support est nouveau pour les élèves). Les élèves se centrent sur des mots, des idées, le copier-coller d’internet n’a plus d’intérêt. Peut-être un moyen de retrouver de la créativité dans une présentation (trop souvent linéaire) ?
    ‎Prezi Viewer
    ‎Prezi Viewer
    Développeur: Prezi Inc.
    Prix: Gratuit
  • Les cartes heuristiques : N’étant pas un grand écrivain, étant très visuel, j’ai besoin de faire des cartes mentales de mes propres idées pour ne pas m’y perdre moi-même… Proposant cette façon de travailler à mes élèves via tablettes les résultats sont de qualité. Les idées s’enchaînent et se répondent. La confrontation des cartes crée des productions très riches

Dernier point, le livre numérique de mes rêves… de pédagogue.

Livre numérique : Le livre numérique fait partie actuellement de mes désillusions des années précédentes. Les éditeurs se lancent timidement dans le livrenumérique mais trop rares sont les livres numériques pertinents ; trop de livres simplement numérisés qui n’apportent rien, ou quelques liens supplémentaires. A quand un vrai livre numérique : photo, vidéo, audio, texte se côtoient pour que chaque apprenant y trouve un support adapté à son type de mémorisation ? Où est la place de l’élève dans ces derniers ?

Cependant un espoir est peut-être né…

Une application simple permet à une tablette de créer un livre numérique rapidement et efficacement : Creative Book Builder.

‎Creative Book Builder
‎Creative Book Builder
Développeur: Tiger Ng
Prix: 5,99 €

Malgré son nom, son interface en français permet à l’utilisateur (élève comme enseignant) de créer un livre numérique sur mesure. Enfin un vrai manuel scolaire, comme je l’entends. La création de ressources s’enregistre dans un livre très agréable à regarder et quel est le meilleur auteur pour apprendre que soi-même ?

A présent, pour les possesseurs de Mac, l’application iBookauthor fait la même chose (mais en mieux !).

‎iBooks Author
‎iBooks Author
Développeur: Apple
Prix: Gratuit

La ressource ainsi constituée est très soignée, peut héberger en son sein des ressources très diverses. La création de ce type d’ouvrage est largement simplifiée par une interface facile à prendre en main.

La créativité via tablette ne s’arrête pas là. Ce n’est qu’une courte présentation que je brosse ici. J’ai fait l’impasse sur des applications de type GarageBand qui non seulement permettent de créer à plusieurs une « œuvre musicale », mais aussi gérer des bandes son multipistes. N’étant pas tellement artiste, je n’ai pas encore exploré les possibilités artistiques du coté de la création d’image de type dessin ou animation (A venir peut-être)

A travers mes observations, j’ai constaté que les élèves associent les applications pour tirer partie du meilleur de chacune d’elles. Ils ne le faisaient pas auparavant sur les ordinateurs mis à leur disposition jugeant alors que l’application utilisée était suffisante à elle-même pour réaliser la tâche souhaitée.

Qui d’entre nous (enseignants, j’entends) pousse (ou sait pousser !) son traitement de texte dans ses fonctionnalités les plus avancées. Les enseignants, comme les élèves, ne sont pas technophiles. Il y en a bien quelques un cependant. Mais, nous nous spécialisons dans l’usage poussé de certaines applications mais nous ne tirons pas (ou plus) partie du meilleur de chacune d’elles sur un ordinateur. On se laisse embarquer dans la logique du logiciel culturellement. Cette logique n’existe pas (ou pas encore) sur tablette et il est surprenant de voir cette nouvelle génération d’utilisateurs composer avec elle sur tablette. Un frein culturel et technologique se trouve levé; la part de créativité qui sommeille en nous, s’en trouve peut être stimulée.

Retrouvez les précédents billets de cette série

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