Il y a environ 45 000 ans, un petit groupe d’humains modernes, moins de mille individus, s’est aventuré aux confins glacés de l’Europe du nord. Ces pionniers, chasseurs de grands gibiers comme le rhinocéros laineux, parcouraient les étendues gelées, vêtus de peaux d’animaux pour se protéger du froid mordant. Leur peau, vraisemblablement foncée, témoignait de leurs origines africaines.
Les traces de ces populations, appartenant à la culture LRJ (Lincombian-Ranisian-Jerzmanowician), se retrouvent dans les outils en pierre distinctifs et les restes fossiles découverts dans des grottes en Allemagne et en République tchèque. Ces vestiges offrent une fenêtre unique sur l’histoire de l’expansion humaine hors d’Afrique, une migration plus récente que ce que l’on pensait auparavant.
Les plus anciens génomes humains dévoilés
Les chercheurs ont réussi à séquencer les génomes de sept individus LRJ à partir d’os fossilisés. Ces échantillons, retrouvés dans les grottes de Ranis (Allemagne) et de Zlatý kůň (République tchèque), sont les spécimens génétiques humains modernes les plus anciens découverts à ce jour.
L’analyse montre que les ancêtres communs de ces individus et des humains non africains d’aujourd’hui vivaient il y a environ 47 000 ans. Pourtant, d’autres découvertes en Australie et en Chine suggèrent que des humains modernes étaient présents sur ces continents bien avant, jusqu’à 100 000 ans en Chine. Cette disparité soulève une question clé : ces premiers humains auraient-ils disparu sans laisser de descendants génétiques ?
Johannes Krause, généticien à l’Institut Max Planck, explique que ces populations anciennes « ne peuvent pas être intégrées à la diversité génétique actuelle hors d’Afrique ». Ces nouvelles données remettent en question notre compréhension des migrations humaines.
Des indices génétiques et des liens familiaux
Les fossiles analysés, dont celui d’une femme découverte à Zlatý kůň en 1950, ont révélé des liens de parenté surprenants. Les six individus de Ranis étaient étroitement liés, notamment une mère et sa fille, et avaient également un lien direct avec la femme de Zlatý kůň. Ces résultats suggèrent que les populations LRJ vivaient en petits groupes dispersés sur de vastes territoires, avec une mobilité élevée.
Une autre découverte intrigante est l’ADN néandertalien présent chez ces individus. Contrairement aux humains actuels, ils possédaient de longues séquences de cet ADN, indiquant un métissage relativement récent, probablement survenu il y a 46 000 ans. Ces données concordent avec une autre étude indépendante, renforçant l’idée que les humains modernes se sont rapidement déplacés du Moyen-Orient vers l’Europe.
La quête de réponses en Asie
Si l’histoire de la culture LRJ s’éclaire peu à peu, des zones d’ombre subsistent, notamment concernant les populations anciennes d’Asie. He Yu, paléogénéticien à l’Université de Pékin, souligne l’importance de trouver des génomes fossiles en Asie pour combler ces lacunes. « Nous avons besoin de ces données pour mieux comprendre l’histoire humaine dans cette région », explique-t-il.
Ces recherches, appuyées par des technologies de pointe et des collaborations internationales, ouvrent une nouvelle ère dans l’étude des migrations humaines. Chaque découverte ajoute une pièce au puzzle complexe de notre passé, révélant une humanité résiliente, mobile, et profondément connectée.