L’étude du jour de la société Miratech révèlerait que la mémorisation serait bien plus efficace sur un bon vieux livre qu’avec une tablette tactile (un iPad en l’occurence). Si on se penchait un peu sur la question ?
Que dit l’étude ?
L’étude a été réalisée par la société Miratech, spécialisée dans l’optimisation des interfaces homme-machine, sur 50 volontaires lisant, qui le 20 minutes en version papier, qui le 20minutes en utilisation l’application iPad qui va bien, éditée par le même journal. La raison étant principalement que l’application est très proche du journal papier, et que cela permet de limiter le biais au fait d’avoir deux supports très différents, au moins au niveau de la présentation des articles…
Cette étude a été réalisée grâce à un occulomètre (ou dispositif de eye-tracking) qui a permis de se rendre compte que la lecture était plus rapide pour un même élément sur l’iPad que sur un 20 minutes version papier. Cette constatation avait déjà été faite par un grand ponte de l’ergonomie et des usages, connu sous le nom de Jakob Nielsen, qui avait lui comparé l’iPad et le Kindle au papier, et noté que la lecture était très légèrement plus rapide.
Mais là où l’étude est intéressante, c’est que les lecteurs des deux supports ont été interrogés après leur lecture, et que les amateurs de la version papier ont répondu bon à 90% des questions contre 70% pour les autres…. D’où une meilleure mémorisation sur le papier, conclusion de l’étude.
Alors, que penser de tout ça ?
Le papier a 2000 ans
J’enfonce assurément des portes ouvertes, mais si j’écoute Les Nuls (ou une référence plus fiable), le papier date de longtemps avant Jésus-Christ, Wikipedia précisant que l’exemplaire le plus ancien daterait de l’an -8 (soit quelques années à peine avant le Christ, mais c’est une autre histoire…). Le papier est donc dans nos mains depuis un bail, et même si personne n’a 2000 ans, il y a fort à parier que ce sur quoi nous avons appris nos leçons étant plus jeune était d’avantage fait en écorce de bois aplatie qu’en cristaux liquide. Ce que j’entend par-là est que le cerveau est habitué à retenir sur du papier probablement d’avantage que sur écran.
Le papier est … statique
Autre élément en faveur du papier, il ne bouge pas, sauf quand on tourne la page. Mais vous l’aurez remarqué si vous avez fait l’expérience de lire à l’écran avec un iPad, l’interactivité étant quelque chose d’addictif, l’utilisateur zappe et fait bouger plus rapidement le texte et l’écran que sur un papier. Nous entrons donc dans un usage très proche du web, c’est à dire que l’utilisateur de lit pas, mais survole. Tous les bons ergonomes vous diront cela. C’est d’ailleurs pour cette raison que les textes « web » sont structurés de manière très différente que sur du papier (articles courts, mots en gras, listes à puces…) : pour s’adapter au peu de temps de lecture que lui laisse l’internaute.
De même, le 20mn, quand on le lit dans un métro, un bus, ou en arrivant au bureau (qui ne l’a pas fait ?), l’usage et l‘habitude que nous avons pris font que nous le commençons au début pour le finir à la fin, quitte à revenir sur notre Sudoku et notre horoscope préféré, ou à commencer par ces parties. Mais la progression est relativement linéaire. Et de ce fait, nous visualisons (sans forcément retenir) dans un temps que nous savons court (20 mn.) l’intégralité du contenu. Ce qui n’est pas le cas pour une progression en ligne, bien au contraire.
L’application 20 minutes était-elle le bon exemple à utiliser ?
La société Miratech l’a prise pour sa conformité ou sa proximité à l’application papier. Mais nous l’avons vu plus haut, c’était peut-être justement ce qu’il ne fallait pas faire… Parce que le contenu ne se consomme pas de la même manière. Une autre chose m’a chagriné en allant sur la page de l’AppStore de l’application… regardez les commentaires… Ils sont unanimes ou presque : l’application n’est pas stable, bug souvent et plante quand ça lui chante. Comment mener une étude fiable sur ce type de support ?
Et pourquoi pas un livre ?
S’il s’agit de la première étude alliant eye-tracking et étude de mémorisation, cela est à porter au crédit de la société Miratech. Cependant, il eut été intéressant, dans une optique de généraliser l’iPad ou ou autre tablette à un contexte scolaire par exemple, de vérifier que la lecture d’un vrai livre était aussi efficace sur papier que en format électronique. Et là encore, il faut comparer ce qui est comparable. Ouvrez la liseuse d’Apple, vous serez surpris de la quantité de texte affichée à l’écran par rapport au moindre livre. L’expérience de lecture est très différente (même si la page « tourne » !) d’avec un vrai livre.
Quand je lis un livre papier, sur une même double page, je ne suis pas linéaire : je progresse, je reviens en arrière je feuillette, tout ça parce que sur une double page j’ai la possibilité d’avoir devant les yeux un contenu important. Ce qui n’est pas le cas avec un iPad, en tout cas avec les versions que j’ai eu le loisir d’essayer. De même, la comparaison de mémorisation serait intéressante avec un Kindle, qui lui a un écran qui est pensé pour la lecture (encore une fois, a contrario de la tablette d’Apple). Mémorise-t-on mieux Les misérables lus sur Kindle, iPad, ou la version Livre de poche ?
Je pense que ce type de question serait intéressante à creuser… qu’en pensez-vous ?
Beaucoup moins de texte à l’écran
iPad, oui, mais avec un autre ?
Photo par Lin Pernille ♥ Photography, sous licence Creative Commons 2.0 By
2 réflexions au sujet de “La mémoire préfère le papier à la tablette… vraiment ?”